BIG RED 2019

Parce que c’est un événement à part, sans précédent… qui fait jaser. Chez Opus, les conversations prennent lieu bien avant la tenue de l’événement. On en parle tous les jours, à toute heure – ca en devient presque fatiguant pour les quelques uns qui n’ont pas vécu l’expérience Big Red. On est bien chanceux de compter autant de collègue sur place. Quand ce n’est pas en mode cycliste, c’est en prêtant main forte en tant que bénévole, en vous offrant de l’eau ou encouragement tout au long du parcours.

Une boucle de 60 ou 130k , près des berges de la rivière Rouge à travers des sentiers forestiers avec comme grande finale un festin généreux et une bière fraiche. Un événement que nous aimons soutenir pour sa singularité, qui rassemblent des centaines de cyclistes pour toutes les bonnes raisons. Longue vie à BR et à très bientôt! 

Merci Nikola (Opus Rouleurs) d’avoir mis des mots sur cette belle aventure!

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«Pas de panique. »

Marty l’a dit comme si de rien n’était alors qu’on avait tout le mal du monde à faire descendre la tente de réception face aux vents levants, la pluie frappant nos visages. Je savais que ces trois mots me suivraient tout le week-end d’une manière ou d’une autre.

Je venais d’arriver à Harrington, une petite ville du Québec située dans la pittoresque campagne des Laurentides, le long de la rivière Rouge, d’où provient le nom du Big Red Gravel Run. C’est la veille de la course et des nuages sombres planent au-dessus des collines environnantes. J’ai compris à ce stade que je pouvais trouver un abri, mais qu’il était impossible de fuir les obstacles inévitables qui m’attendaient. 

On s’est réchauffé à l’intérieur à l’aide de gin sec et de bières Dunham dans un «speakeasy» improvisé, le tout organisé par Heidi et fils du Rasputitsa Spring Classic. Le mot de passe pour entrer : Obama; une manière subtile de protester contre le baron au visage orange de Manhattan.Avec une musique de fond jazz tiré des années folles, les conversations habituelles sur les modestes préparatifs de chacun et légendes urbaines des autres coureurs présents commencent à prendre place. 

«Savais-tu que Math Bélanger-Barrette a fait un « Everest » au Mont-Saint-Anne le mois passé? », me révèle un Julien qui me semble lui-même très en forme.

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En prenant le départ le lendemain matin, me voilà à côté de la fameuse légende du Mont-Sainte-Anne, qui affiche un air des plus décontractés, vêtu d’un t-shirt ample. Je porte le kit le plus serré et aérodynamique de ma garde-robe de vélo. Suis-je à la bonne place? Devrais-je retourner à l’arrière? Pas de panique, tu es à ta place. 

Peut-être que cela fait partie des qualités insaisissables de «l’esprit du gravier». Il n’y a pas de hiérarchie. Les personnes s’autoévaluent, se tiennent où elles veulent et laissent le terrain former une sélection naturelle. 

Et au son de la corne de brume, nous voilà partis! 

L’avantage de Big Red c’est qu’il possède tous les degrés de gravier. Les textures sablonneuses, les rochers acérés, la terre battue, la boue mouillée… Big Red nous en fait voir de toutes les couleurs. 

L’inconvénient de Big Red c’est qu’il possède tous les degrés de gravier. Il est donc impossible de choisir les bons pneus ou de déterminer la pression adéquate pour ceux-ci. Il faut se jeter dans l’inconnu et espérer en ressortir indemne. L’Oasis est la section qui teste vraiment toutes les conventions. 

On y va pour la première Oasis et c’est le chaos total. Des corps heurtent le sol, des vélos se font réparer à droite du sentier, tandis que des framboisiers bordent le côté gauche, coupant nos bras exposés lorsqu’on si frotte. Nulle part ailleurs où aller, le milieu n’est un mélange de roches et de boue. Bref, c’est la version Rouge de la Trouée d’Arenberg. Pas de pavés, juste un tas de cailloux. Après tout, le rouge est la couleur de la douleur. 

J’arrive à traverser indemne. Soulagé, je me laisse distraire par le chien qui court soudainement à mes côtés, comme s’il était là pour m’encourager et ensuite bang! Je frappe un nid de poule et ma chaîne se détache. J’ai maintenant perdu contact avec le reste du groupe et le chien s’est enfui. Misérable, je remets la chaîne en place et me retourne pour découvrir mon ami Nichols qui a décidé de m’attendre. 

«Hé, merci de m’avoir attendu, tu n’étais pas obligé», dis-je avec gratitude. 

«T’inquiète, c’est pas comme si c’était une course», répond Nichols. 

Je réalise à ce moment que cela fait peut-être partie de «l’esprit de gravier».Certains choisissent la courser, d’autres de simplement rouler. Il suffit de choisir l’option qui nous apporte le plus de plaisir ou d’épanouissement. Parce qu’en fin de compte, on fait tous se retrouver dans le Rouge

On continue à pédaler pour rejoindre Scott Fitzgerald, l’ami de Nichols et membre des Maraudeurs. 

«Tu passes un bon moment mon vieux?» me demande un Fitzgerald souriant qui pédale en danseuse comme s’il était porté par la musique d’un Muskrat Ramble

En observant son style qu’on dirait si facile et naturel,je réalise à quel point j’arrive au bout du rouleau. Je tends la main vers ma bouteille d’eau, mais rien. Merde. Je dois avoir perdu les deux bouteilles dans une des descentes ardues. On a 70 kilomètres de parcourus avec 60 à faire sur ce boulevard qui mène droit à la déshydratation. Nichols me tend sa bouteille. 

Il l’a fait tout au long du trajet. Chaque fois qu’il a soif, il m’offre d’abord sa bouteille. Nichols ne m’a pas sauvé de la déshydratation, il a décidé de lutter contre la soif avec moi. Il a sacrifié la moitié de son eau pour se retrouver tout aussi foutu que moi. 

Ce type de solidarité fait certainement partie de «l’esprit du gravier». J’en ai été témoin chaque fois que j’ai participé à l’un de ces évènements. Les gens ont toujours des difficultés en chemin, mais quelqu’un est toujours là pour tendre la main et donner un coup de pouce. 

Six heures après le son initial de la corne de brume, Nichols et moi franchissons la ligne d’arrivée ensemble, complètement démolis, mais le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Les organisateurs du Big Red, Alain, Mark et Marty, nous accueillent avec des bières froides et des félicitations.

J’apprends qu’on n’est pas les seuls à avoir franchi la ligne d’arrivée en tandem. Les deux leaders de l’échappée ont choisi de partager la victoire. Il s’agit de Mathieu Bélanger-Barrette de Québec et du Montréalais Rémi Fagnan qui sont arrivés exactement au même moment. 

«C’est qui lui?», je demande à mon ami Fred. 

«C’est un ancien pilote de karting qui roule 20 000 km de commute par année», répond-il. 

Génial. Encore plus de rumeurs d’hyperboliques et une renaissance de la rivalité Montréal-Québec. L’un est un mécanicien qui défonce les rues du centre-ville en route vers le garage, alors que l’autre est un ingénieur qui se tape un Everest sur son temps libre. Une fin toute parfaite au Big Red et un hommage à l’esprit du gravier.

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Texte par: Nikola Brassard-Dion
Photos: Gophrette Power
www.bigredgravelrun.com