Opus @Land Run 100

Opus @Land Run 100

À Montréal, en septembre passé, alors que la saison chaude tirait à sa fin, j’ai reçu un appel de Ken Avery, de Vittoria USA. Il voulait savoir si je souhaitais participer à la Land Run 100 – une course de type « gravel grinder » de 100 miles se déroulant sur les routes de terre rouge de l’Oklahoma.

Une bonne saison dans les jambes, on a donc décidé de s’inscrire, mon collègue Mark @whatyoizm et moi, sans hésiter. L’épreuve ayant lieu en mars, on se promit de rouler quelques fois par semaine tout au long du rude hiver canadien afin de conserver notre forme d’été. 

Six mois plus tard, n’ayant qu’une vague idée de l’épreuve physique qui nous attendait, on prit l’avion à destination de Stillwater, en Oklahoma.

Arrivés à Stillwater @visitstillwater, une ville universitaire située à une heure et demie d’Oklahoma City, un ciel d’un bleu limpide nous accueillit. À la boutique de vélos District Bicycles @districtbicycles, l’organisateur de la course Bobby Wintle @unlearnpavement nous souhaita la bienvenue. Son énergie était contagieuse.On se mit ensuite en selle pour la traditionnelle 20-mile shakedown ride – une boucle de 32 kilomètres dans les rues de terre autour de Stillwater. On avait hâte au parcours rapide du lendemain. La météo n’avait toutefois pas dit son dernier mot.

Crédits photos : 241 Photography et @alainbovet


Au réveil, le samedi matin, une pluie fine tombait. Malgré une chaussée  trempée et des conditions météo se détériorant d’heure en heure, le moral des troupes semblait inébranlable. Au départ, l'enthousiasme de la foule nous donna un boom d’énergie. À huit heures pile, Bobby fit retentir un coup de canon (littéralement) et le peloton s’élança. Un programme musclé : 170 kilomètres, sous une pluie légère, à une température de 6 °C. 

Les 25 premiers kilomètres se déroulèrent comme prévu : une terre rouge durcie et rapide parsemée de quelques sections en gravier – des conditions de course impeccables. La lune de miel fut toutefois brève. La fine pluie se changea en grosses gouttes accompagnées d’un vent de travers dévastateur. Le terrain se transforma en boue lourde, lente, et collante. Pour éviter que la transmission ne s’enlise, on dut transporter nos vélos sur nos épaules à plusieurs endroits. Soudainement, j’eus une pensée pour notre sac de course, récupéré la veille, qui incluait un bâton servant à remuer la peinture. Ignorant son utilité, je l’avais retiré de mon sac. Erreur ! Tout au long du parcours, je dus me débrouiller pour retirer la boue gênant le fonctionnement de mon vélo.

Pour bon nombre de coureurs, le premier vrai test apparut au kilomètre 40 ; « ça passe ou ça casse », comme on dit. La température ayant chuté, certains grelotaient tandis que d’autres tentaient de régler des problèmes mécaniques. Plusieurs craquèrent et abandonnèrent. La Land Run fit une première victime au sein de notre groupe : Ken. Son dérailleur arrière s’était complètement détaché. Heureusement, on réussit à convertir sa transmission à une vitesse. Pendant ce temps, craignant le froid, Mark avait continué sa route pour se réchauffer. 

Trente minutes plus tard, les doigts gelés, Ken put regagner la route. Ironiquement, à quelques mètres de là, notre groupe perdit deux autres équipiers. Ayant trop froid pour continuer, ils se blottirent contre une botte de foin en attendant l’arrivée du Jeep-balai. Ken en profita pour changer de vélo, puis on se remit en selle. 

Plus que 130 kilomètres à parcourir, sous un mince 4°C. 

On rejoignit Mark, contraint de s’arrêter pour ajuster ses freins arrière, ayant complètement usé ceux à l’avant. La mi-parcours approchait, mais les conditions se corsaient – de longues routes étroites, de solides montées, des sentiers de véhicules tout-terrain, et des routes agricoles. 

Des bénévoles nous accueillirent à des ravitos improvisés. Eau, boissons énergiques, bière, café, tout était bon. Rassemblés autour d’un feu, les membres d’une famille m’offrirent même leur dernier beigne – le meilleur beignet à vie ! 

À Guthrie, la barre des 85 km atteinte, plusieurs coureurs avaient déjà mis un terme à leur journée de course – une journée assez éprouvante merci. Une toilette publique nous servit de refuge. Une douzaine de gars s’étaient amassés autour d’un sèche-mains pour se réchauffer. On prit une bouchée, ajouta une couche de vêtements, nettoya nos vélos avec l’eau glaciale d’un tuyau d’arrosage, huila nos chaines, et ajusta ce qui nous restait de freins. La motivation à son plus bas, on devait néanmoins maintenir le rythme, la température et le chrono jouant contre nous. À 14 h 30, il nous restait 85 kilomètres à parcourir et seulement quatre heures de clarté en banque.

Sous une pluie battante et à une cadence diminuée, les 50 kilomètres qui suivirent se changèrent en véritable épreuve de courage. Sortant de nulle part, un chien errant me prit en chasse sur une centaine de mètres. Contraint de pousser la machine, je frôlai les 45 km/h. 

L’argile rouge se déroulait devant nous jusqu’à l’horizon et freinait notre rythme. Nous nous devions de rouler nos vélos autant que possible puisque nous avions déjà marché plus de 5 miles jusqu’à ce point. Mais ce rythme soutenu s’avéra fatal pour les vélos de Mark et Ken : leurs pattes de dérailleurs lâchèrent presque au même endroit. La Land Run ajoutait donc deux autres victimes à son palmarès. À 35 kilomètres du fil d’arrivée, un abandon crève-cœur pour mes deux complices. 

À 18 h 30, la nuit presque tombée, je moulinais...en solo. Sans système d’éclairage et luttant contre le froid, j’occupai mon esprit en grignotant mes dernières barres. Fatigué, je dus puiser dans mes réserves pour rester motivé. Je suivais les rangs avec simple guide la réflexion des lumières sur les chemins mouillés. 

J’aperçus finalement les lumières de Stillwater. Propulsé par un regain d’adrénaline, je poussai jusqu’au fil d’arrivée. Après treize heures et vingt et une minutes, Bobby m’attendait pour me féliciter. Au total, moins de 20 pour cent des rouleurs complétèrent l’épreuve. Et Bobby était là pour féliciter chacun d’entre eux. 

À peine un degré et finalement arrivé, j’avais déjà hâte à l’an prochain ! 

Alain @alainbovet
Directeur
Opus Bicycles

 

 

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